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ATELIER EN ISRAËL SUR LES PRATIQUES COMMERCIALES DÉLOYALES
DANS LE SECTEUR DES FRUITS ET LÉGUMES FRAIS

Le second atelier national du programme d’appui à l’Initiative ENPARD Méditerranée en Israël s’est déroulé à Tel Aviv les 15 et 16 septembre 2016. Il fait suite à une première rencontre en mai ayant abordé la question de la réforme de la politique de soutien aux agriculteurs. Par ces réunions, le gouvernement israélien entend discuter avec les parties prenantes concernées et trouver des solutions au problème du prix élevé des denrées alimentaires tout en préservant le salaire des agriculteurs.

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Après avoir exploré dans un premier temps des axes possibles afin de remplacer la politique de soutien par les prix par d’autres instruments visant à soutenir les agriculteurs, les parties prenantes du dialogue initié par le programme d’appui à l’Initiative ENPARD Méditerranée en Israël se sont concentrés lors de ces deux jours d’ateliers sur les pratiques commerciales déloyales dans le secteur des fruits et légumes frais comme potentielle cause d’une distorsion des prix et source de difficultés pour les producteurs. L’objectif était de discuter de possibles mesures à prendre par le gouvernement et d’instruments volontaires privés à adopter afin de lutter contre ces pratiques, en se basant notamment sur l’expérience européenne.

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Le séminaire s’est déroulé en deux temps, une première journée ouverte consacrée aux exposés des experts suivis d’une large discussion, puis, la seconde journée, un atelier technique plus approfondi avec un nombre limité de participants représentant différentes familles d’acteurs afin de tirer des conclusions et d’avancer vers des solutions pratiques. Dans le but d’alimenter les débats et d’échanger sur les outils et mesures concrètes à mettre en œuvre en Israël, trois experts européens de la filière fruits et légumes frais ont été mobilisés par l’équipe du programme d’appui à l’Initiative ENPARD Méditerranée :

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  • Professeur Jean-Marie CODRON, de l’Institut National de Recherche Agronomique, France ;

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  • Monsieur Raymond TANS, consultant néerlandais dans le secteur des fruits et légumes ;

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  • Monsieur Yvon AUFFRET, Directeur du CERAFEL, une organisation regroupant les associations de producteurs de fruits et légumes de Bretagne, France.

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La rencontre ouverte organisée conjointement par le Ministère israélien de l’Agriculture et l’équipe du programme d’appui à l’initiative ENPARD Méditerranée a réuni plus de 80 personnes issues des différents groupes d’acteurs engagés dans la chaîne de valeur des fruits et légumes frais (producteurs, organisations d’agriculteurs, syndicats, distributeurs, grossistes, ministères et organes publics israéliens…).

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Après un discours d’ouverture réalisé par Shlomo BEN ELIYAHU, Directeur Général du Ministère de l’Agriculture, les trois experts européens ont présenté leurs exposés :

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  • Le Professeur Jean-Marie CODRON a analysé dans son exposé les spécificités du secteur des fruits et légumes frais (grande hétérogénéité des produits, contraintes liées au caractère « frais » de ces denrées…). Ainsi, ce dernier a expliqué la nécessité de laisser un degré de flexibilité important aux acteurs de ce secteur et de ne pas multiplier les règles contraignantes. Les parties prenantes sont obligées de s’adapter à des circonstances qu’ils ne peuvent maîtriser d’où l’intérêt de passer aussi par des outils et mécanismes privés.

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  • Raymond TANS a quant à lui présenté l’expérience européenne dans la réglementation de ce secteur. Cette problématique reste actuelle et omniprésente dans les discussions notamment au sein des institutions européennes. La Commission a dans ce cadre décidé de privilégier les démarches volontaires, le respect de la concurrence et l’arbitrage public à de nouvelles réglementations vues comme inadaptées à ce secteur. L’expérience néerlandaise, dont la tradition du droit est proche de celle des pays anglo-saxons, a démontré le caractère approprié des mécanismes privés afin de lutter contre les pratiques déloyales.

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  • Yvon AUFFRET pour sa part s’est concentré sur l’exemple français et sur les difficultés rencontrées par le gouvernement dans la mise en œuvre des outils de régulation dans le secteur. La lutte contre les pratiques déloyales doit s’appuyer sur une structuration forte des organisations de producteurs afin notamment que ces derniers parlent d’une seule voix dans les négociations avec les autres acteurs.

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Yael KACHEL, Point focal ENPARD en Israël, a par la suite donné les résultats d’une vaste consultation auprès des producteurs de fruits et légumes afin que ces derniers expriment les difficultés qu’ils rencontrent lors des négociations avec les détaillants. Cette enquête a révélé le déséquilibre entre les producteurs et les détaillants qui imposeraient de nombreuses contraintes et conditions aux agriculteurs et sont souvent perçus comme agissant d’une manière discrétionnaire. Ce constat est exacerbé par la concentration des détaillants (grandes chaînes de supermarchés) et le morcellement des exploitations.

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Ainsi face à cet état de fait, le gouvernement israélien se questionne sur le chemin à suivre afin d’améliorer ces transactions : le modèle « français » basé sur la réglementation publique ou le modèle « anglo-saxon » reposant davantage sur les initiatives privées et les codes de conduite adoptés d’une façon volontaire avec parfois des mécanismes d’arbitrage publics.

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Les débats avec la salle qui ont suivi ces présentations ont permis que s’expriment plusieurs points de vue et propositions :

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  • Les participants ont réaffirmé le poids trop important des détaillants dans les négociations dû notamment à leur concentration ;

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  • Ils ont souligné la nécessité d’établir des marchés de gros ;

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  • Ils ont mentionné le besoin de renouer avec les traditions israéliennes d’union et de solidarité pour les producteurs et de restructurer les organisations d’agriculteurs et coopératives ;

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  • Ils ont rappelé la nécessité d’appliquer réellement les lois existantes et de compléter les réglementations publiques par des initiatives et normes privées basées sur le volontariat en s’inspirant du modèle « anglo-saxon » qui permet de garder une certaine flexibilité.

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La seconde journée a permis de revenir sur les idées et remarques formulées la veille et de commencer à avancer sur l’élaboration de mesures concrètes afin de lutter contre les pratiques déloyales. Cet atelier technique a ainsi réuni une trentaine de participants issus des grandes catégories d’acteurs composant la chaîne de valeur des fruits et légumes frais en Israël, des Ministères concernés par la problématique et du monde académique avec l’idée de trouver des solutions aux défis et contraintes mis en avant lors de la précédente journée.

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En guise d’introduction, Yael KACHEL a présenté les principaux thèmes à aborder concernant la problématique des pratiques commerciales déloyales identifiés la veille (concentration des détaillants, morcellement des exploitations, la périssabilité et la qualité variable des produits, la consignation des ventes…). Des débats ont suivi cette présentation révélant des positions tranchées et un certain manque de confiance entre les acteurs du secteur. Cependant, les participants se sont rejoints sur différents points à privilégier dans la façon d’aborder la problématique des pratiques déloyales :

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  • La nécessité d’avancer progressivement en privilégiant les mécanismes et outils privés basés sur le volontariat et en confiant au Ministère de l’agriculture un rôle d’arbitre lors des négociations et des litiges ;

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  • La définition de différentes échelles de qualité des produits frais afin de faciliter les transactions et la possibilité d’avoir recours à un arbitrage indépendant en cas de conflit d’opinions.

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Des difficultés persistent et un consensus a du mal à se dégager notamment sur la question des produits d’appel qui, bien que profitables pour le consommateur sur le court terme, peuvent être préjudiciables pour l’existence de circuits d’approvisionnement alternatifs et la durabilité de l’agriculture israélienne et donc in fine néfastes pour le consommateur. La question des marges aussi demeure délicate notamment du fait du manque d’information objective quant à leur répartition et il semble difficile de légiférer sur ce sujet.

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Enfin, a été soulignée la nécessité d’adopter des principes et des règles plus claires lors des transactions qui permettraient de se prémunir de certains biais, à partir des principes suivants :

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  • Le partage du risque entre les différents acteurs ;

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  • L’adoption de contrats écrits entre producteurs et détaillants ;

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  • L’accord sur des principes clairs permettant d’établir les prix ;

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  • L’apport de preuves quant au caractère non-vendable de produits livrés et l’information immédiate apportée aux producteurs ;

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  • Une plus grande transparence dans les relations et l’interdiction de changements unilatéraux du contrat.

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Afin de poursuivre les travaux et d’avancer vers la formulation de mesures concrètes visant à lutter contre ces pratiques, l’adoption d’une approche pas-à-pas pourrait permettre de renforcer la confiance entre les différents acteurs du secteur grâce notamment au rôle de superviseur et d’arbitrage que pourrait jouer l’État en créant par exemple un organe décisionnel multi-acteurs présidé par le Ministère.

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