ASSURANCE ET GESTION DU RISQUE
EN AGRICULTURE AU MAGHREB
Suite au précédent séminaire Algérie-Maroc-Tunisie portant sur le système coopératif agricole au Maghreb, les think tank des trois pays ont décidé de se concentrer sur l’assurance et la gestion du risque en agriculture pour le troisième séminaire en visant comme objectifs de :
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Faire l’état des lieux des assurances dans le secteur agricole au Maghreb ;
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Identifier les obstacles au développement des assurances et proposer des solutions ;
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Promouvoir le partage d'expériences ;
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Analyser la pertinence et l’efficacité des dernières innovations dans le secteur.
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Malgré la croissance de l’exposition des agriculteurs de ces pays à des risques variés pouvant provoquant d’importantes pertes de récoltes et de revenus, les taux de pénétration demeurent très faibles et les agriculteurs peu protégés face à ces menaces. Ainsi, ce troisième séminaire sous-régional organisé les 16 et 17 mai 2017 à Tunis avait pour but d’identifier les raisons freinant la pénétration des assurances agricoles et de trouver des solutions innovantes afin de protéger les agriculteurs maghrébins face à la multiplication des risques.
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Ce séminaire a accueilli une cinquantaine de participants représentant l’ensemble des groupes d’acteurs intervenant dans le secteur de l’assurance agricole (syndicats agricoles, coopératives agricoles, assureurs, ministères concernés par ces problématiques, chercheurs…).
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Les différentes interventions introductives et la présentation de l’expérience européenne en matière d’assurance agricole ont abouti à une première série de conclusions :
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L’État demeure un acteur majeur du secteur de l’assurance agricole ;
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Il n’y a pas une seule politique de gestion des risques agricoles et une seule façon de soutenir le marché de l’assurance agricole ;
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Il existe une tendance à l’individualisation des offres proposées aux agriculteurs ;
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Le taux d’adhésion demeure une vraie préoccupation en Europe.
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Le séminaire a par la suite été divisé en trois ateliers-débats, le premier portant sur l’adhésion et les difficultés liées au faible taux de pénétration, le second sur la diversité des risques et des acteurs et enfin le dernier se concentrant sur les instruments et innovations dans le secteur.
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Chacune de ces tables rondes fut introduite par une présentation réalisée par un des experts mobilisés afin de présenter la situation européenne suivie par des témoignages d’acteurs du secteur originaire de chacun des trois pays représentés afin de faire un état des lieux de la situation dans ces pays, de présenter des études de cas ou des projets spécifiques.
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Lors du premier atelier, plusieurs freins, points et interrogations ont été mis en avant lors des débats entre les délégations et les experts :
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Les carences de l’organisation de la profession figurent parmi les freins à la progression du taux de pénétration. L’engagement des groupes de producteurs pourrait permettre la participation des agriculteurs dans la conception des produits d’assurance ;
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La pédagogie du risque : Qui doit expliquer le fonctionnement des assurances ? Comment le faire ?
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Les problématiques de la confiance, de la transparence et de l’efficacité des assurances sont primordiales pour accroître le taux de pénétration ;
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La lourdeur des procédures, les délais de traitement des dossiers et de paiement demeurent des problèmes récurrents d’après les agriculteurs ;
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L’assurance agricole est souvent une condition pour l’octroi de prêts bancaires. Il semble nécessaire alors de s’intéresser également à l’offre bancaire destinée aux agriculteurs qui restent peu bancarisés au Maghreb.
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L’objectif du second atelier était de présenter les différents types de couvertures agricoles existants, les acteurs en place et d'analyser les différents modèles de gestion du risque agricole. Les discussions ont permis de faire resurgir plusieurs remarques et points communs :
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Il existe quatre systèmes possibles de gestion selon les capacités financières des agriculteurs et la connaissance des risques avec une implication plus ou moins grande de l’État : les aides exceptionnelles, les fonds de garantie, les fonds de mutualisation et l’assurance agricole. Ces outils ne peuvent se suppléer et un système efficace doit proposer une combinaison de ces solutions ;
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Quel que soit le système de gestion du risque agricole, l’État aura toujours un rôle à jouer que ce soit directement ou indirectement par le biais de subventions par exemple ;
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Les organisations professionnelles peuvent jouer un rôle déterminant dans la pédagogie du risque et représenter une force de proposition et de validation des produits. Les organisations sont aussi en mesure de proposer des assurances agricoles comme en France ce qui peut permet de contourner le problème du manque de confiance des producteurs. Les agriculteurs doivent être mobilisés par l’État, les assureurs et réassureurs pour permettre une meilleure adoption du concept ;
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La mise en place d’un système de couverture agricole nécessite une base de données statistiques exhaustive et couvrant plusieurs années ;
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Du fait de de contraintes et obstacles rencontrés avec les assurances classiques (coût élevé de la gestion, barrières d'ordre géographique, lourdeur des procédures, lenteur des systèmes d’indemnisation…), de nouveaux produits sont introduits (m-assurance, assurance indicielle…) mobilisant de nouveaux acteurs comme les organisations nationales de la cartographie et de la météorologie, les opérateurs téléphoniques...
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Durant la dernière table ronde, l’expert européen et les acteurs issus des pays mobilisés ont présenté différentes innovations dans le secteur de l’assurance agricole : assurance indicielle, m-assurance, assurance prairie, assurance participative ou Takaful…
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L'innovation dans le secteur de l'assurance agricole est une perpétuelle recherche visant à satisfaire les besoins des agriculteurs, à avoir une meilleure maîtrise des coûts à travers l'utilisation des nouvelles technologies notamment et développer de nouveaux marchés réputés jusqu'alors « inassurables ». Ces nouveaux outils permettent aussi d’obtenir une tarification plus appropriée et juste en se basant sur des séries de données fiables, de proposer des offres plus flexibles et personnalisées et davantage de transparence.
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Les présentations des représentants des trois pays ont permis de constater que les orientations stratégiques ne sont pas harmonisées au Maghreb. Cependant, la similitude des contextes fait apparaitre des préoccupations partagées illustrées notamment par la vigueur des débats. Ces pays font face à une attente forte, accentuée par les sècheresses croissantes, la multiplication des maladies et les autres effets du changement climatique. Chacun des États soutient leurs agriculteurs par le biais de divers aides mais ils recherchent des réponses plus pérennes, plus efficaces et répondant davantage aux besoins et aux moyens des exploitants.
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Ainsi, les experts ont souligné de leur côté plusieurs points essentiels et donner plusieurs pistes afin de réussir la relance du système d’assurance agricole au Maghreb :
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Diversifier l’offre et proposer un large éventail de produits ;
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Affirmer le rôle crucial de l’État ;
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Simplifier les processus d'instruction et favoriser la bonne compréhension des dispositifs existants ;
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Construire des bases de données statistiques exhaustives ;
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Donner confiance aux producteurs notamment en les mobilisant ;
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Capitaliser sur les expériences passées afin d’adapter les produits.
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D’autres aspects n’ont été que peu abordés comme le risque prix ou les dispositifs de crise sanitaire. Par ailleurs, l’harmonisation des cadres réglementaires au Maghreb pourrait faciliter aussi l’implication des acteurs privés pour aller à terme vers une réassurance commune.
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Discours introductif de Monsieur Omar Béhi, ex-Secrétaire d'Etat tunisien à la Production agricole et actuel Ministre du Commerce